L’économie informelle à La Réunion : un amortisseur social à reconnaître ou à contenir ?

3 novembre 2025

: 34 minutes

Introduction

L’économie informelle – c’est-à-dire l’ensemble des activités économiques qui échappent en tout ou partie aux régulations et statistiques officielles – occupe à La Réunion une place significative, quoique difficile à mesurer précisément en raison de son invisibilité même. Des estimations suggèrent qu’elle représente une part non négligeable de l’emploi total : entre 12,5 % et 16,5 % des emplois en 2015, soit une proportion bien supérieure à celle de la métropole française. Ce poids élevé confère à l’informalité un rôle social crucial mais ambigu : d’un côté, en permettant à de nombreux Réunionnais exclus du marché du travail formel de subsister, elle agit comme un filet de sécurité socio-économique et un vecteur de cohésion sociale. De l’autre, en dehors des cadres réglementaires, fiscaux et sociaux, cette économie souterraine pose des défis de développement et de gouvernance (pertes de recettes fiscales, précarité de l’emploi, entrave à la concurrence loyale, etc.). La question se pose alors aux pouvoirs publics : faut-il reconnaître cette économie informelle comme un « amortisseur social » indispensable dans le contexte réunionnais, ou au contraire la contenir et la résorber pour favoriser un développement plus structuré ?

Cette note stratégique, rédigée dans un style adapté à un cadre de la fonction publique, propose une analyse approfondie de cette problématique. Elle examine d’abord les formes concrètes que prend l’informalité à La Réunion, puis les facteurs socio-économiques qui l’expliquent. Un état des lieux chiffré sera dressé à partir des données disponibles (INSEE, IEDOM, CEROM, université, etc.), avant d’élargir la perspective à des exemples comparatifs (Antilles, Mayotte, Afrique de l’Est, Amérique latine) pour éclairer le débat. Seront ensuite discutés les risques et bénéfices sociaux associés à l’économie informelle – à la fois bouée de sauvetage pour la société et frein potentiel au développement structurel. Enfin, des leviers d’action publique envisageables seront présentés, depuis la reconnaissance partielle et l’accompagnement vers la formalisation jusqu’aux dispositifs spécifiques d’intégration ou de régulation. La conclusion formulera des préconisations concrètes et contextualisées pour guider l’action publique face à ce dilemme.

Typologie des pratiques informelles à La Réunion

Le spectre de l’économie informelle réunionnaise est large et hétérogène, englobant des activités très diverses par nature et par secteur. On peut en proposer la typologie suivante :

  • Vente à la sauvette et commerce de rue : la revente informelle de marchandises sur la voie publique (vêtements, fruits et légumes, plats cuisinés, etc.) sans autorisation ni cadre légal. Ces vendeurs à la sauvette opèrent en marge des marchés officiels. Leur activité est illégale (passible de sanctions pénales selon le Code pénal), mais relativement répandue dans certains quartiers urbains ou lors d’événements publics. Ils répondent souvent à une demande locale de produits bon marché et constituent pour les vendeurs un moyen de « faire bouillir la marmite » en l’absence d’emploi formel.
  • Petits services, bricolage et entraide rémunérée : il s’agit des prestations de service effectuées de gré à gré, sans déclaration ni cadre formel. On y trouve des travaux de bricolage ou de réparation à domicile (plomberie, électricité, maçonnerie légère), du jardinage, des services à la personne (garde d’enfants, ménage, coiffure ou couture à domicile), du soutien scolaire informel, etc. Souvent ces services relèvent d’une économie de proximité et de réseau (voisinage, famille, relations informelles). La frontière est floue entre l’entraide familiale ou amicale et la prestation rémunérée non déclarée. Nombre de ces « petits boulots » comblent des besoins non satisfaits par l’offre formelle, en particulier dans les zones rurales enclavées ou les quartiers urbains populaires.
  • Emplois dissimulés dans des secteurs formels : il arrive que des activités par ailleurs légales soient exercées de façon partiellement ou totalement non déclarée. C’est le cas lorsque des entreprises locales (dans le BTP, la restauration, le commerce de détail, etc.) emploient une partie de leur personnel « au noir » afin de réduire leurs charges, ou lorsque des travailleurs indépendants réalisent des prestations sans les facturer officiellement. À La Réunion, les secteurs du service aux particuliers, du commerce et du BTP sont identifiés comme concentrant l’essentiel du travail informel déclaré par les actifs. En 2008, une enquête locale de l’Insee a révélé que les services à la personne représentaient la moitié des emplois informels recensés, devant le commerce (~18 %) et la construction (~10 %). Cela confirme l’importance de ces secteurs dans la sphère informelle insulaire.
  • Circuits marchands parallèles et contrebande : Sous cette catégorie figurent les activités commerciales illicites ou informelles structurées en réseaux. On peut citer, par exemple, la revente de marchandises importées sans payer l’octroi de mer ou la TVA (produits de consommation courante, alcools, cigarettes de contrebande), le marché informel de véhicules d’occasion ou de pièces détachées, la vente discrète de poissons ou de récoltes agricoles en dehors des marchés réglementés, etc. Ces circuits parallèles prospèrent sur l’écart de prix avec le marché formel (souvent élevé du fait des taxes et coûts d’importation), ainsi que sur la demande solvable d’une population au pouvoir d’achat contraint. À ne pas confondre avec les activités criminelles (trafics de drogue, vol organisé…) – celles-ci relèvent de l’économie souterraine au sens strictement illégal et pénal, distincte de l’informalité « ordinaire » qui concerne majoritairement des biens et services licites mais non déclarés.
  • Activités de subsistance et micro-entreprenariat informel : Une partie de l’économie informelle correspond à de toutes petites unités de production ou de service opérant sans statut juridique, souvent au niveau familial. Il peut s’agir de vendeurs ambulants individuels, d’artisans à domicile, d’agriculteurs écoulant une production vivrière excédentaire sans passer par des coopératives, etc. Ces micro-activités, généralement unipersonnelles ou familiales, génèrent de très faibles revenus et une productivité réduite. À Mayotte par exemple, les entreprises informelles (souvent d’une à deux personnes) représentent environ deux tiers des unités marchandes, mais seulement 9 % de la valeur ajoutée totale et 6 % du chiffre d’affaires du tissu économique. Bien que La Réunion ait un niveau de développement plus élevé que Mayotte, on y retrouve des formes similaires d’auto-emploi informel de survie ou d’appoint, témoignant d’un micro-entrepreneuriat de nécessité.

En résumé, l’économie informelle réunionnaise recouvre des réalités multiples : du « système D » individuel (bricolage rémunéré, entraide payante) aux petits métiers de rue, en passant par l’embauche au noir et les micro-entreprises non déclarées. Cette hétérogénéité rend le phénomène complexe à appréhender d’un point de vue statistique et réglementaire, d’autant que les intéressés combinent parfois plusieurs de ces activités et qu’ils alternent informel et formel au gré des opportunités.

Facteurs socio-économiques favorisant le développement de l’informalité

Plusieurs facteurs structurels propres à la société et à l’économie réunionnaises expliquent la persistance et l’ampleur du secteur informel sur l’île. Parmi les plus déterminants, on peut souligner :

  • Le chômage de masse et le sous-emploi structurel : La Réunion souffre historiquement d’un taux de chômage parmi les plus élevés de France. Mesuré pour la première fois en 1967, il dépassait déjà 10 % de la population active à l’époque, puis a crû continûment pour atteindre un pic de 36,5 % en 2000 (au sens BIT). Durant les années 2010, le chômage oscillait encore entre 25 et 30 % de la population active, et même si une décrue récente a été observée (18 % en 2021, niveau historiquement bas grâce notamment au dynamisme des micro-entreprises), le non-emploi de masse demeure une réalité. Ce chômage endémique, combiné à un halo d’inactivité important (beaucoup de Réunionnais découragés cessent de chercher du travail, ou survivent via des activités informelles intermittentes), crée un terreau propice à l’économie informelle. Faute d’emplois salariés formels suffisants, nombre de personnes, en particulier les jeunes et les moins qualifiés, n’ont d’autre choix que de « se débrouiller » par des petits boulots et services non déclarés pour gagner leur vie. L’informalité agit ainsi comme alternative de survie face au chômage de masse.
  • La pauvreté et les inégalités socio-économiques : Corollaire du point précédent, La Réunion affiche des taux de pauvreté monétaire et de dépendance aux minima sociaux sans équivalent en métropole. En 2008, près de 49 % des ménages réunionnais vivaient sous le seuil de pauvreté (contre 13 % en métropole), et 20 % percevaient le RMI (ancêtre du RSA, contre 3,4 % au national). Cette précarité étendue, fruit d’un long héritage post-colonial et d’un modèle de développement inabouti, se double de fortes inégalités internes : une partie de la population active est peu ou pas diplômée (70 % des plus de 15 ans n’avaient aucun diplôme en 1990) et cantonnée dans des emplois subalternes ou intermittents, tandis qu’une minorité (souvent dans la fonction publique ou les activités « importées » de métropole) bénéficie d’emplois stables et correctement rémunérés. Dans ce contexte dual, l’économie informelle prospère comme échappatoire à la misère pour les uns, et comme moyen d’améliorer l’ordinaire pour d’autres. Elle permet d’atténuer, au moins en partie, les effets des inégalités en offrant des sources de revenus de complément ou de substitution aux plus démunis.
  • La culture de la débrouille et l’héritage socio-historique : La société réunionnaise est souvent décrite comme ayant une forte culture de la débrouillardise (ou système D), héritée en partie de son passé de société de plantation puis de la départementalisation incomplète des années 1960-1980. Face aux manques de l’économie formelle et aux lenteurs de l’État, les habitants ont développé des mécanismes de solidarité informelle, d’entraide communautaire et d’initiatives individuelles pour s’en sortir. Cette culture valorise l’ingéniosité, la polyvalence, et accepte tacitement l’informalité comme une composante normale de la vie économique. Dans les Hauts de l’île ou les quartiers périurbains délaissés, où l’agriculture de subsistance a reculé sans être remplacée par des emplois industriels, de nombreuses familles ont survécu grâce à des activités informelles (petit élevage, troc, artisanat, etc.). L’économie informelle s’inscrit ainsi dans la continuité de pratiques socio-économiques traditionnelles (économie de plantation clandestine, échanges non monétaires, etc.), aujourd’hui adaptées sous des formes nouvelles (bricolage rémunéré, petits commerces domestiques, etc.).
  • Les défaillances ou limites de l’institutionnel (« désinstitutionalisation ») : Ce terme peut renvoyer à plusieurs réalités liées. D’une part, il y a la méfiance envers les institutions et la bureaucratie, pouvant inciter certains à contourner le formalisme administratif jugé contraignant. D’autre part, on constate parfois une absence de l’État ou une inadéquation des politiques publiques dans certains secteurs ou territoires, ce qui laisse un vide rempli par l’économie informelle. Par exemple, si les dispositifs d’aide à la création d’entreprises ou de formation professionnelle ne touchent pas les publics les plus fragiles, ces derniers vont se tourner vers le système D. De même, la lourdeur des charges sociales et fiscales ou la complexité du droit du travail peuvent décourager de petites initiatives entrepreneuriales, qui préfèrent rester hors radar pour éviter ces obligations. La désinstitutionalisation pourrait aussi désigner un affaiblissement du lien institutionnel : lorsque de larges pans de la population (en particulier des jeunes en rupture, des chômeurs de longue durée) ne se sentent plus intégrés dans le « contrat social » formel, ils développent en marge leurs propres mécanismes de survie économique, échappant ainsi au cadre institutionnel. En somme, l’informalité à La Réunion peut être lue comme le symptôme d’une décorrélation entre l’offre institutionnelle (d’emplois, de protections, de régulation) et la demande réelle de la population en moyens d’existence.
  • Le coût de la vie et les contraintes de l’économie insulaire : La Réunion, du fait de son insularité et de sa dépendance aux importations, connaît un coût de la vie élevé (“vie chère”), supérieur d’environ 7% à 8% à la métropole sur de nombreux postes de consommation. Les produits importés sont renchéris par l’octroi de mer et les frais de transport. Dans ce contexte, les circuits informels de commerce trouvent un terreau fertile : importations directes hors taxe via des voyageurs ou des filières opportunistes, production locale vendue sans intermédiaires, etc. Par ailleurs, l’économie insulaire souffre d’une faible industrialisation et d’un tissu de PME limité, avec une majorité de très petites entreprises (84 % sans salarié en Guadeloupe, 81 % en Martinique, taux probablement similaires à La Réunion). Ce tissu éclaté rend la régulation du travail plus difficile et favorise le recours aux arrangements informels. Enfin, la forte dépendance aux transferts publics (allocations chômage, RSA, allocations familiales, etc., qui forment une part importante du revenu global des ménages réunionnais) peut involontairement encourager l’informalité : en cumulant prestations sociales et petits revenus non déclarés, certains ménages parviennent à un équilibre financier qu’ils jugeraient compromis par un emploi formel à bas salaire (qui pourrait faire perdre certaines aides). L’informalité se trouve ainsi soutenue par un effet d’aubaine combinant économie de transferts et économie souterraine.

En résumé, ces facteurs – chômage de masse, pauvreté, inégalités, culture locale de débrouille, inadéquation institutionnelle et contexte de vie chère insulaire – agissent de concert pour entretenir un niveau élevé d’informalité à La Réunion. Le phénomène n’est pas conjoncturel mais bien structurel, ancré dans l’histoire et les conditions socio-économiques de l’île, ce qui rend d’autant plus complexe toute action publique visant à le réduire.

État des lieux chiffré de l’économie informelle réunionnaise

Évaluer quantitativement l’économie informelle est notoirement difficile, puisque par définition elle échappe aux instruments statistiques classiques. Néanmoins, plusieurs études et indicateurs permettent d’en cerner l’ampleur et les caractéristiques à La Réunion :

  • Poids dans l’emploi et le PIB : Comme indiqué, une estimation couramment citée situe la part de l’emploi informel entre 12,5 % et 16,5 % des emplois totaux vers le milieu des années 2010. C’est moins qu’aux Antilles françaises (où l’on avance 23 à 26,5 % des emplois en Guadeloupe et 19 à 20 % en Martinique) mais bien plus que dans l’Hexagone. En valeur économique, il n’existe pas de mesure précise du poids de l’économie informelle dans le PIB réunionnais récent. Toutefois, l’Insee a estimé qu’au niveau national l’économie souterraine représente environ 4 % du PIB (60 milliards €). On peut raisonnablement penser qu’à La Réunion ce ratio est supérieur, les études CEROM évoquant un poids relatif de l’informel sensiblement plus élevé dans tous les DOM qu’en métropole. À titre de comparaison, à Mayotte l’économie informelle, bien que pléthorique en nombre d’unités (2/3 des entreprises), ne génère que 9 % de la valeur ajoutée, signe d’une très faible productivité de ces activités. La Réunion, avec un niveau de vie moyen plus élevé, aurait une contribution informelle sans doute supérieure à 10 % du PIB si elle était mesurée.
  • Nombre d’actifs et profil des travailleurs informels : L’enquête Insee 2008 sur le travail informel donnait un ordre de grandeur de 12 500 personnes occupant un emploi non déclaré à La Réunion, soit 5,2 % des personnes ayant un emploi cette année-là. Ce chiffre, prudent et basé sur du déclaratif, ne comptabilise que les individus admettant une activité informelle régulière “à temps plein”. Parmi eux, l’étude note une surreprésentation des hommes jeunes, peu diplômés. Pour la plupart, il ne s’agit pas d’emplois d’appoint mais bien d’activité principale à temps plein, même si souvent transitoire en attendant un emploi déclaré. Ces travailleurs informels « exclusifs » coexistent avec une frange plus difficile à quantifier de personnes ayant des revenus mixtes (cumulant petit boulot au noir et allocation chômage ou RSA, ou emploi formel à temps partiel et extra non déclaré à côté, etc.). Les « frontières du chômage et de l’emploi » sont donc poreuses : une proportion notable de chômeurs officiels exercent en réalité une activité informelle occasionnelle pour joindre les deux bouts (ce qui constitue le halo du chômage).
  • Répartition sectorielle : Comme évoqué, les services aux particuliers (aide à domicile, gardes d’enfants, etc.) concentrent environ la moitié des emplois informels déclarés, suivis par le commerce de détail de proximité (~18 %) et le BTP (~10 %). L’agriculture informelle (petits agriculteurs vendant hors circuit) n’était pas particulièrement mise en avant par l’étude de 2008, ce qui s’explique par la modeste part de l’agriculture dans l’économie réunionnaise et l’existence de filières structurées pour les productions principales. En revanche, dans d’autres territoires ultramarins comme Wallis-et-Futuna, l’informel agricole et artisanal est prédominant. À La Réunion, l’informalité s’observe également dans des activités de transport artisanal (taxis clandestins) ou de tourisme informel (logements ou excursions proposés sans licence), bien que ces segments restent difficiles à évaluer précisément.
  • Indicateurs indirects (usage de l’argent liquide) : Un signe tangible de la présence d’une économie non déclarée est l’importance des transactions en espèces. Or, La Réunion se caractérise par une circulation de cash très élevée par rapport à la métropole. En 2014, l’émission nette cumulée de billets (notamment de grosses coupures) atteignait plus de 4 200 € par habitant, un niveau bien supérieur à la moyenne française (1 635 €) et même à la moyenne européenne (2 800 €). Ce montant dépasse celui relevé dans les autres DOM (environ 2 500 €/hab aux Antilles, 3 900 € à Mayotte) et n’est inférieur qu’en Guyane (qui a un profil très particulier, à plus de 12 500 €/hab en raison notamment de l’orpaillage). La préférence pour le liquide à La Réunion peut s’expliquer par des facteurs culturels et pratiques, mais elle suggère aussi l’existence d’une proportion plus élevée d’échanges non déclarés (car le cash est le moyen de paiement privilégié de l’informalité, échappant aux traceurs bancaires). Cet indice monétaire corrobore donc l’idée d’une économie informelle conséquente sur l’île.
  • Évolution temporelle : Il est délicat de dire si l’économie informelle est en augmentation ou en diminution à La Réunion. Les données étant par nature “difficilement actualisables”, on dispose de constats à des dates données mais pas de séries longues fiables. On peut cependant avancer quelques tendances qualitatives. Durant les années de crise économique locale (par exemple suite à la crise financière de 2008 et à la récession qui s’ensuivit jusqu’au début des années 2010), les observateurs ont noté une probable progression du travail clandestin, en lien avec la montée du chômage et les licenciements massifs dans le BTP. Inversement, l’embellie récente de l’emploi formel (notamment via le boom des micro-entrepreneurs depuis la fin des années 2010) pourrait avoir absorbé une partie des travailleurs qui opéraient jusque-là dans l’informel, en leur offrant un statut légal simplifié. Le régime de l’auto-entrepreneur, étendu à l’outre-mer, a en effet été utilisé par de nombreux Réunionnais pour formaliser de petites activités (artisans, livreurs, chauffeurs occasionnels, etc.) – bien que cela reste difficile à quantifier précisément en impact sur l’informalité. On peut aussi mentionner la crise sanitaire de 2020-2021 : le confinement et l’arrêt forcé de nombreux petits métiers informels ont mis en lumière leur vulnérabilité (puisqu’inéligibles aux aides publiques) et possiblement conduit une part d’entre eux à cesser activité. Néanmoins, du fait de la résilience de ce tissu souterrain, beaucoup ont repris dès la levée des restrictions. Globalement, l’économie informelle à La Réunion semble perdurer de manière relativement stable, s’adaptant aux conjonctures sans disparaître, comme l’a souligné le Schéma Régional de Développement Économique (SRDEII).

En somme, malgré l’imprécision inhérente aux estimations, on retient que l’informalité concerne une fraction importante de la population active réunionnaise (probablement autour de un actif sur six ou sept) et constitue un pan non négligeable de la richesse produite sur l’île. Elle se concentre dans certains secteurs (services à la personne, commerce de rue, bâtiment) et touche surtout des publics vulnérables (jeunes, peu qualifiés), même si des pans entiers de la société y ont recours à divers degrés. Ces constats quantitatifs plantent le décor du débat sur son rôle exact : simple symptôme du malaise économique ou véritable soupape indispensable ?

Exemples comparatifs : Antilles, Mayotte, Afrique de l’Est, Amérique latine

La situation réunionnaise, bien qu’unique par son statut de région ultrapériphérique européenne, présente des analogies avec d’autres territoires confrontés à une large économie informelle. Des comparaisons internationales permettent d’éclairer sous un autre angle le dilemme « amortisseur social ou frein au développement ».

  • Aux Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique) : Ces deux départements d’outre-mer, socio-économiquement plus proches de La Réunion, connaissent également de l’informalité, mais à des degrés variables. D’après des estimations relayées par le Sénat, le secteur informel représenterait entre 23 % et 26,5 % des emplois en Guadeloupe et entre 19 % et 20 % en Martinique. Ces niveaux, supérieurs à La Réunion (12,5-16,5 %), traduisent des réalités locales : en Guadeloupe notamment, des phénomènes comme les « marchés informels » de rue, le travail non déclaré dans la construction ou l’aide à domicile sont répandus. Le mouvement social de 2009 contre la vie chère avait d’ailleurs mis en lumière l’existence d’une économie parallèle alimentée par la frustration sociale. Dans ces îles, comme à La Réunion, l’informalité agit en partie comme réponse au chômage (qui dépasse 20 % de la population active en Martinique et Guadeloupe aussi). Cependant, étant de plus petite taille, ces économies souffrent encore plus de la concurrence du secteur informel qui peut fragiliser un tissu d’entreprises formelles déjà restreint. Les autorités locales ont mené des campagnes de lutte contre le travail illégal, notamment dans le BTP et la vente ambulante, mais la tolérance sociale envers les petits métiers de rue demeure relativement élevée, car ils font partie du paysage socio-économique et aident de nombreuses familles à s’en sortir.
  • Mayotte : Ce département français de l’océan Indien, voisin géographique (et socio-culturel dans une certaine mesure) de La Réunion, constitue un cas extrême. Avec un PIB par habitant très inférieur et un chômage avoisinant 30%, Mayotte abrite une économie informelle tentaculaire, souvent décrite comme majoritaire. Effectivement, en 2015 l’Insee estimait que les deux tiers des entreprises marchandes mahoraises étaient informelles, bien qu’elles ne produisent que 9 % de la valeur ajoutée totale. C’est dire le caractère ultra-fragmenté et peu productif de ce secteur : essentiellement du commerce de rue, des micro-activités artisanales, du transport improvisé, etc., souvent le fait de travailleurs immigrés ou locaux très démunis. L’informalité y constitue quasiment la norme de l’activité, un refuge face à l’absence d’emplois formels et à l’immigration clandestine (une partie de la population n’ayant pas de statut légal, le travail informel est le seul accessible). Le cas mahorais illustre le rôle de survie de l’économie informelle : sans elle, une grande partie de la population n’aurait aucun revenu. Les autorités, conscientes du caractère vital mais problématique de cette situation, commencent à peine à élaborer des stratégies de transition. La CRESS de Mayotte, par exemple, a lancé en 2020 une étude pour identifier les activités informelles à fort potentiel et proposer un plan d’action stratégique afin de les transformer en opportunités économiques formelles, tout en préservant l’équilibre socio-économique. Cela passe par la formalisation progressive de certaines micro-entreprises via le microcrédit (avec l’ADIE) et l’accompagnement entrepreneurial, en veillant à ne pas déstabiliser le fragile écosystème local. Mayotte constitue donc un cas extrême où l’informel est à la fois un palliatif indispensable (sans lequel le tissu social s’effondrerait) et un obstacle au développement (faible productivité, bases fiscales limitées, précarité généralisée).
  • Afrique de l’Est / sub-saharienne : Dans les pays en développement à faibles revenus, le poids de l’économie informelle est généralement écrasant. L’OIT relève qu’en Afrique subsaharienne, 80 à 90 % de l’emploi total se situe hors du secteur formel organisé. Des pays comme Madagascar, la Tanzanie ou le Kenya présentent ces ordres de grandeur, avec la majorité de la population active occupée dans l’agriculture de subsistance, le petit commerce, l’artisanat local, sans contrat ni protection sociale. En Afrique de l’Est spécifiquement, la part de l’emploi informel dépasse 90 % dans de nombreux cas. Ces économies informelles comprennent beaucoup de travailleurs indépendants familiaux (paysans, marchands ambulants) ainsi qu’une myriade de micro-entreprises urbaines (ateliers, échoppes, services divers). Elles jouent un rôle de filet social primordial, hébergeant la quasi-totalité des travailleurs pauvres et absorbant les chocs (exode rural, jeunesse en quête d’emploi, crises économiques). Cependant, le revers est une très grande vulnérabilité : bas revenus, absence de protection du travail, productivité faible, ce qui entretient le cercle de la pauvreté. Ces pays ont progressivement pris conscience que l’informalité n’est pas qu’une question marginale mais bel et bien “la réalité du monde du travail pour la grande majorité des gens”, et qu’elle ne peut être ignorée dans les stratégies de développement. Par exemple, le Kenya a été pionnier dès 1972 dans l’étude du secteur informel (concept du Jua Kali pour désigner le travail indépendant urbain sous le soleil). Aujourd’hui, des programmes de formalisation graduelle (via l’enregistrement simplifié des petits commerces, l’introduction de régimes fiscaux légers, la protection sociale étendue aux travailleurs indépendants) sont expérimentés dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est, mais le chemin est long tant l’informalité est imbriquée dans le tissu socio-économique.
  • Amérique latine : Longtemps considérée comme un cas d’école de l’économie informelle (via le concept d’« économie de la survie » développé par Hernando de Soto par exemple), l’Amérique latine affiche encore aujourd’hui des taux d’informalité élevés malgré un niveau de développement intermédiaire. En moyenne, environ la moitié des emplois urbains y sont informels. Dans certains pays d’Amérique centrale, ce taux atteint même des records : en 2013, on recensait 60,1 % d’emplois informels au Salvador, 72,8 % au Honduras, 73,6 % au Guatemala et jusqu’à 82 % au Nicaragua (proportion de la population occupée sans couverture de sécurité sociale). Même dans des pays plus avancés comme le Mexique, le Brésil ou la Colombie, l’informalité concerne encore 40 à 60 % des travailleurs selon les mesures. Les causes en sont connues : un secteur formel incapable d’absorber toute la main-d’œuvre (du fait de la démographie, de l’immigration rurale vers les villes, etc.), une réglementation du travail parfois inadaptée, et la persistance de poches de pauvreté où la seule option est le travail précaire. L’Amérique latine a toutefois vu émerger dès les années 1990 des politiques innovantes pour réduire l’informalité. Le cas du Brésil est emblématique : création d’un régime simplifié (MEI, Microempreendedor Individual) offrant un statut légal et une couverture sociale minimale aux micro-entrepreneurs informels, programmes de transferts sociaux conditionnels (type Bolsa Familia) incitant à l’éducation plutôt qu’au travail des enfants, campagnes d’inspection du travail ciblées dans les foyers (pour formaliser le travail domestique, par exemple). De même, l’Argentine et l’Uruguay ont facilité l’immatriculation des travailleurs indépendants et renforcé la protection sociale universelle. Ces efforts ont eu des résultats mitigés mais montrent une prise de conscience : formaliser l’informel est un processus de longue haleine, nécessitant des réformes structurelles du marché du travail et du système de protection sociale, sans lesquelles les travailleurs restent coincés dans la précarité. Notamment, la OIT souligne qu’en Amérique latine l’informalité est intimement liée à la pauvreté et que les travailleurs informels y sont bien plus souvent pauvres que les formels. La transition vers le formel est donc vue comme un levier de réduction de la pauvreté.

En synthèse de ces comparaisons, on constate que partout l’économie informelle remplit une fonction d’amortisseur social, particulièrement dans les contextes de chômage de masse et de déficiences du secteur formel. Que ce soit en Guadeloupe, à Mayotte, à Madagascar ou au Honduras, elle permet à des millions de personnes de générer un revenu là où l’économie “officielle” ne le leur offre pas. Cependant, les effets à long terme sur le développement sont ambivalents : si l’informel offre de la flexibilité et de la résilience aux chocs, il entretient aussi des équilibres économiques fragiles (faible productivité, absence d’investissements, trappe à pauvreté). Les expériences étrangères montrent l’importance de trouver un juste équilibre entre la reconnaissance de ce rôle social et la mise en œuvre de stratégies de formalisation progressive, pour éviter que l’informalité ne devienne un piège qui condamne des territoires entiers à un sous-développement chronique.

Risques et bénéfices sociaux de l’économie informelle

L’analyse coûts-bénéfices de l’économie informelle à La Réunion révèle un véritable dilemme politique et social. D’un côté, l’informalité apporte des réponses immédiates à des problèmes aigus ; de l’autre, elle génère elle-même des problèmes qui menacent le développement soutenable de la société. Il s’agit donc d’évaluer en quoi elle constitue un filet de sécurité indispensable ou, au contraire, un frein qu’il faut desserrer.

Bénéfices et fonctions sociales positives :

  • Filet de sécurité économique et amortisseur de chocs : C’est le bénéfice le plus souvent mis en avant. Dans une île où le chômage a longtemps avoisiné 30 %, le travail informel a indéniablement évité que des milliers de personnes ne sombrent dans une pauvreté absolue. Des représentants du monde économique et social réunionnais ont même qualifié le travail clandestin d’« amortisseur social », toléré par les autorités pour prévenir une « explosion sociale ». En effet, en l’absence de ces emplois et revenus informels, la tension sociale serait exacerbée par le sentiment d’exclusion économique. L’informalité permet ainsi de maintenir la cohésion sociale en offrant une activité (même modeste) à ceux qui n’en ont pas officiellement. Elle absorbe aussi les chocs : lors des crises économiques, elle s’étend pour accueillir les licenciés (ex : anciens ouvriers du BTP se reconvertissant en bricoleurs à leur compte), jouant un rôle de tampon en attendant la reprise. De même, face à la vie chère, les circuits parallèles offrent des biens à moindre coût aux ménages modestes, atténuant en partie l’impact de l’inflation sur les plus vulnérables.
  • Réduction du chômage officiel et du coût social : En permettant à une partie des inactifs officiels de travailler “officieusement”, l’économie informelle réduit mécaniquement les chiffres du chômage visible (même si c’est en déplaçant le problème). Elle diminue aussi la charge sur certains dispositifs sociaux : par exemple, un chômeur qui parvient à tirer un petit revenu informel complet peut ne pas solliciter certaines aides ou allocations supplémentaires. D’un point de vue macro, on peut considérer que l’informel complète le système de protection sociale dans les interstices qu’il ne couvre pas, en fournissant un revenu d’appoint ou de substitution. Il contribue ainsi à la survie de populations précaires sans mobiliser de fonds publics (ou en combinaison avec ceux-ci). Cela ne signifie pas que l’informel est plus efficace que la protection sociale, mais il la supplée là où elle n’atteint pas (par exemple, des jeunes sans droits ouverts, des travailleurs sans indemnités chômage, etc.).
  • Dynamisme entrepreneurial et innovation : Loin d’être uniquement subi, le secteur informel est aussi un espace d’initiative entrepreneuriale pour des individus qui, souvent, n’auraient pas accès à l’entrepreneuriat formel (par manque de capital, de réseau, ou à cause de barrières administratives). Beaucoup de petits entrepreneurs réunionnais ont démarré “dans l’informel” – par exemple en vendant des plats faits-maison dans leur quartier, en réparant quelques motos dans leur cour – avant de formaliser plus tard leur activité. L’informalité peut ainsi servir de pépinière de micro-entreprises, un laboratoire où se développent des compétences, un esprit d’entreprise, voire des innovations frugales. Elle permet de tester un marché à moindre coût. Le SRDEII souligne que la formalisation progressive de ces initiatives pourrait représenter de nouveaux modes d’entreprendre, et appelle à valoriser les modèles alternatifs déjà présents sur le territoire, tels que l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant sur l’énergie de l’informel. On peut citer le cas de structures de recyclage à La Réunion, nées d’activités informelles (récupérateurs de bouteilles, ferrailleurs) et ensuite structuration en filières vertes (recyclage de palettes, de pneumatiques). Ce dynamisme du secteur informel est un atout qu’il convient de reconnaître : il recèle des compétences et une créativité souvent ignorées par le secteur formel.
  • Renforcement de la solidarité et des réseaux locaux : L’économie informelle, surtout dans ses formes d’entraide rémunérée ou de service de proximité, contribue à tisser du lien social. Dans les quartiers, les échanges de services (garde d’enfant, cuisine, bricolage) – même s’ils comportent une transaction monétaire – renforcent la cohésion communautaire. Ils font intervenir la confiance interpersonnelle là où souvent l’économie formelle est plus anonyme. Ce capital social généré par l’informalité peut avoir des effets positifs sur la société réunionnaise en entretenant des réseaux d’entraide, un sentiment d’appartenance et de débrouillardise collective. Dans les zones rurales et périphériques, les activités informelles ont permis de maintenir un lien économique avec le territoire et d’éviter un abandon complet de ces espaces. Cela participe d’un équilibre territorial : l’informel crée de la vie économique y compris là où le formel est trop faible pour faire vivre la population locale.

Risques et effets négatifs :

  • Précarité et absence de protection des travailleurs : L’envers du décor social, c’est que les travailleurs informels sont dépourvus de la plupart des droits et protections associés au travail salarié formel. Pas de contrat stable, pas de cotisations retraite ou chômage (sauf à cotiser sur leurs minima sociaux s’ils en ont), pas de couverture accident du travail, etc. L’OIT rappelle que l’informalité s’accompagne de graves déficits de travail décent et qu’elle concentre une part disproportionnée de travailleurs pauvres dans le monde. À La Réunion, même si les conditions générales sont meilleures qu’en Afrique, l’informel signifie souvent revenu faible et irrégulier, conditions de travail dures (pensons aux vendeurs ambulants sous le soleil, aux ouvriers du bâtiment non déclarés sans sécurité), et vulnérabilité accrue face aux aléas (maladie, perte d’activité, etc.). De plus, cette précarité peut se transmettre intergénérationnellement si les enfants de travailleurs informels ont moins accès à l’éducation ou reproduisent les parcours parentaux. En ce sens, l’informalité peut piéger des franges de la population dans un cercle vicieux de pauvreté et d’insécurité socio-économique.
  • Manque de recettes publiques et pression sur le modèle social : Une économie informelle florissante signifie aussi que des revenus échappent à l’impôt et aux cotisations. En France, où le modèle social repose sur la solidarité contributive, l’extension de l’informel peut menacer l’équilibre financier des caisses sociales et des finances publiques locales. Certes, à La Réunion, une partie de ces travailleurs informels sont aussi allocataires d’aides, et la société métropolitaine compense via les transferts. Mais si, hypothétiquement, l’ensemble des activités informelles étaient formalisées, l’île bénéficierait de rentrées fiscales supplémentaires (TVA, cotisations) utiles pour améliorer les services publics. À l’inverse, tolérer un large secteur hors taxe crée un sentiment d’injustice chez les opérateurs formels qui, eux, s’acquittent de charges. Cela peut décourager l’entrepreneuriat honnête et fausser la concurrence. Par exemple, un artisan déclaré en plomberie ne peut rivaliser sur les prix avec un bricoleur non déclaré qui n’a ni TVA ni charges, ce qui peut tirer vers le bas tout un secteur. Sur le long terme, cela ralentit la formalisation et la montée en gamme de l’économie locale, en la maintenant dans une trappe de faible productivité.
  • Contournement des normes et risques pour les consommateurs : L’informalité signifie aussi que des normes (sanitaires, de sécurité, de qualité) ne sont pas respectées ou contrôlées. Bien sûr, nombre de petits opérateurs informels font du bon travail, mais le risque de dérives est présent : aliments vendus sans contrôle d’hygiène, constructions réalisées sans garantie de solidité, soins à la personne (coiffure, massage) sans qualification, etc. Les consommateurs qui recourent à l’informel n’ont que la confiance personnelle pour assurance, sans recours légal facile en cas de problème. Cela peut poser des problèmes de santé publique ou de sécurité (par exemple, un taxi clandestin sans assurance qui a un accident, un appareil électrique réparé de façon non conforme qui cause un incendie, etc.). L’économie informelle échappant aux inspections, elle peut aussi favoriser indirectement des trafics plus graves (ex : recel de biens volés sous couvert de vente de rue). En période de crise sanitaire (comme le Covid), l’informel a également été pointé du doigt pour la difficulté de faire appliquer les mesures (fermetures administratives, gestes barrières) à des activités qui, par nature, sont hors du radar officiel.
  • Frein à la montée en compétences et à l’investissement : Parce qu’elle se cantonne souvent à des activités de survie ou de faible envergure, l’économie informelle offre peu de perspectives d’évolution professionnelle à ceux qui y restent. Les travailleurs informels n’accumulent pas de droits sociaux, souvent peu de formations certifiantes, et restent à l’écart des structures capables de valoriser leurs compétences. Cela peut engendrer une marginalisation durable de toute une partie de la population active, peu mobilisable pour des projets structurés. Par ailleurs, les entreprises informelles investissent très peu (à Mayotte, une entreprise informelle investit 50 fois moins qu’une formelle en moyenne), car elles n’ont pas accès au crédit bancaire et cherchent surtout à minimiser leur visibilité. Ce manque d’investissement signifie peu d’innovations, une productivité stagnante, et in fine un potentiel de croissance économique global amoindri pour le territoire. L’informalité prolongée risque ainsi de maintenir l’économie réunionnaise dans un palier bas, alors même que le rattrapage de niveau de vie par rapport à la métropole nécessite des gains de productivité et de compétences.
  • Obstacle à l’État de droit et à la gouvernance : Enfin, sur un plan plus institutionnel, un large secteur informel peut saper la crédibilité de l’État et la portée de son action. Si une partie notable de l’activité se déroule hors du champ légal, la capacité de l’État à réguler (par le droit du travail, la fiscalité, etc.) en est réduite. Cela peut créer une forme de dualité de la société : d’un côté ceux qui sont “dans le système” et de l’autre ceux qui vivent “hors système”. À terme, cela peut nourrir un sentiment de déconnexion vis-à-vis de l’autorité publique, voire un terreau pour l’économie souterraine criminelle si le pas est franchi vers l’illégalité. L’OIT notait que l’ampleur de l’informalité constitue un obstacle majeur aux droits des travailleurs, au développement inclusif et à l’État de droit, affectant aussi la concurrence équitable entre entreprises. En clair, tolérer l’informalité revient à accepter une zone de non-droit relative dans l’économie, ce qui peut éroder le respect global des règles (par exemple, banaliser le fait de ne pas déclarer, de frauder, etc.). Le défi est donc de ne pas laisser l’informel miner les fondements du contrat social et la confiance dans les institutions, tout en reconnaissant pourquoi il existe.

En résumé, l’économie informelle à La Réunion est un remède aussi bien qu’un poison : un remède aux maux du chômage et de la pauvreté ici et maintenant, un poison lent pour la construction d’une économie solide, équitable et durable. Elle est simultanément filet de sécurité (safety net) et filet invisible pouvant emprisonner l’île dans une stagnation socio-économique. C’est pourquoi les pouvoirs publics se trouvent face à un arbitrage subtil : comment conserver les bienfaits sociaux indéniables de l’informel (cohésion, résilience, entrepreneuriat populaire) tout en corrigeant progressivement ses méfaits (précarité, absence de droits, érosion fiscale) ?

Leviers de politiques publiques envisageables

Répondre à ce défi nécessite une approche nuancée, alliant reconnaissance de l’économie informelle et actions pour la transformer graduellement. Plutôt que de choisir entre la laisser prospérer sans intervention ou la réprimer brutalement, la stratégie gagnante semble résider dans un entre-deux intelligent : encadrer, accompagner et intégrer l’informel, de façon à maximiser ses contributions positives tout en réduisant ses impacts négatifs. Voici quelques leviers de politique publique envisageables dans cette optique, en les adaptant au contexte réunionnais :

  • Reconnaissance partielle et légitimation de certaines activités : Il s’agirait d’identifier des segments de l’économie informelle qui peuvent être tolérés et encadrés sans grand risque, voire avec un bénéfice pour la société, et de leur donner une forme de reconnaissance officielle minimale. Par exemple, la vente ambulante de fruits et légumes par des petits producteurs pourrait être autorisée sous réserve d’une inscription simplifiée en mairie, au lieu d’être systématiquement considérée comme de la vente à la sauvette illégale. De même, des « marchés forains » pourraient être créés ou étendus, où les vendeurs informels occasionnels sont invités à venir écouler leurs produits certains jours, moyennant une redevance symbolique. Cette reconnaissance passerait aussi par le discours : admettre publiquement que l’informel a un rôle social (sans pour autant en faire l’apologie) permet de renouer le dialogue avec ces travailleurs de l’ombre. Il ne s’agit pas de légaliser tout le travail au noir, mais de dédramatiser une partie de ces activités et de les faire entrer progressivement dans le champ visible.
  • Simplification administrative et régimes de transition vers le formel : Un frein majeur à la formalisation est souvent la complexité perçue des démarches et le coût d’entrée dans la légalité (charges fixes, normes). Les pouvoirs publics pourraient intensifier l’utilisation de régimes ultra-simplifiés pour inciter les travailleurs informels à se déclarer. Le régime de l’auto-entrepreneur (micro-entrepreneur) est un bon exemple : il offre des formalités allégées et des cotisations proportionnelles au revenu, sans charges sociales en l’absence de chiffre d’affaires. Promouvoir ce régime à La Réunion – par des campagnes d’information ciblant les publics de l’informel, par un accompagnement personnalisé à l’inscription – pourrait permettre à de nombreux petits entrepreneurs de basculer du côté formel sans crainte excessive. On pourrait envisager des aménagements spécifiques outre-mer : par exemple, une exonération partielle plus longue de charges pour les nouveaux micro-entrepreneurs réunionnais issus de l’informel, afin de compenser la perte des revenus non déclarés et l’entrée dans le circuit contributif. D’autres outils existent comme le Chèque Emploi Service Universel (CESU) pour formaliser les services à la personne : en subventionnant ou en simplifiant son usage, on peut faire basculer des heures de ménage ou de garde d’enfants du noir vers le déclaré, avec avantage fiscal pour les particuliers employeurs. L’objectif est de créer des passerelles entre informel et formel, plutôt que des barrières.
  • Accompagnement, formation et professionnalisation : Au-delà des incitations financières ou administratives, un travail de fond doit être mené pour accompagner les acteurs de l’informel vers une activité pérenne et structurée. Le SRDEII de La Réunion insiste sur l’enjeu d’« accompagner les activités informelles vers la professionnalisation, en préservant l’équilibre socio-économique qui y est lié ». Concrètement, cela signifie déployer sur le terrain des dispositifs d’écoute et de conseil : par exemple, des “Médiateurs de l’informel” pourraient être nommés (par les chambres de commerce, les municipalités ou les associations) pour aller à la rencontre des travailleurs non déclarés, comprendre leurs besoins et leur proposer des solutions sur mesure. Il peut s’agir de les aider à monter un dossier de création d’activité, de leur offrir une petite formation technique ou de gestion, de les orienter vers des micro-crédits pour investir dans du matériel, etc. L’État et les collectivités pourraient soutenir financièrement des programmes associatifs ou consulaires dédiés à cette formalisation douce. Par exemple, l’ADIE (Association pour le Droit à l’Initiative Économique) est active dans les DOM pour financer et accompagner de très petits entrepreneurs souvent issus de l’informel ; renforcer ses moyens ou collaborer avec elle peut donner de bons résultats. L’expérience de Mayotte montre qu’il faut mener cet accompagnement sans brusquer : les études recommandent de préserver l’équilibre socio-économique pendant la formalisation, c’est-à-dire de ne pas retirer brutalement aux gens leur mode de subsistance avant qu’un autre, formel, n’ait pris le relais. La formation professionnelle doit également intégrer ces publics « invisibles » : par exemple, organiser des formations courtes en soirée ou week-end, gratuites, pour les bricoleurs ou couturières informelles qui voudraient se perfectionner et obtenir éventuellement une certification, tout en continuant leur activité.
  • Intégration dans l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) : L’ESS (coopératives, associations, entreprises d’insertion, etc.) peut servir de pont entre informel et formel, car elle permet d’encadrer des activités économiques dans un cadre légal souple, souvent à but non lucratif ou d’utilité sociale, qui correspond bien à l’esprit communautaire de certaines pratiques informelles. À La Réunion, on pourrait encourager la transformation de groupements informels en coopératives. Par exemple, des artisans du bâtiment non déclarés pourraient s’unir au sein d’une coopérative d’activité, où chacun resterait autonome mais bénéficierait d’un statut collectif légal pour facturer des prestations. De même, des associations locales peuvent « couvrir » des activités économiques modestes : il existe déjà des associations intermédiaires qui emploient des personnes en insertion pour des travaux de service. En élargissant ce dispositif aux travailleurs actuellement informels (avec leur accord), on leur fournit un cadre légal (contrats courts) tout en conservant une flexibilité. L’ESS valorise la culture de la débrouille en la tournant vers l’intérêt général. Le SRDEII évoque la possibilité de créer un modèle hybride formel/informel en complément des modèles classiques, et cite explicitement l’ESS comme débouché pour formaliser autrement ces activités. Des fonds publics (régionaux, européens FEDER) pourraient soutenir des projets pilotes d’incubateurs ESS dédiés à la formalisation d’activités informelles (par ex, un incubateur de « food entrepreneurs » sortis de l’informel de la restauration à domicile, etc.).
  • Politiques fiscales et sociales adaptées (“taper juste”) : Plutôt qu’une répression généralisée du travail dissimulé, il convient de cibler les abus les plus dommageables et, à l’inverse, d’alléger là où le formalisme est trop lourd par rapport aux gains. Par exemple, concentrer les contrôles et sanctions sur les entreprises établies qui ont recours au travail illégal de façon intentionnelle (cas de certaines entreprises profitant de la sous-traitance informelle pour réduire leurs coûts), car cela, c’est du dumping social qui pénalise toute l’économie. En revanche, pour le petit boulanger qui emploie un aide familial non déclaré ou la coiffeuse à domicile non enregistrée, une approche pédagogique est préférable : pourquoi ne pas imaginer un “droit à l’erreur” ou une amnistie conditionnelle si la personne se formalise dans un certain délai ? Sur le plan fiscal, l’État pourrait relever les seuils d’exonération ou créer un régime de forfait micro-fiscal ultra-simplifié pour les très petits revenus d’activité, afin que le passage au formel ne soit pas synonyme d’impôt insupportable. Par exemple, jusqu’à un certain chiffre d’affaires annuel (quelques milliers d’euros), appliquer un impôt quasi-nul ou symbolique, de sorte que ceux qui gagnent très peu ne voient pas l’intérêt de rester cachés. Par ailleurs, l’adaptation du système de protection sociale est importante : actuellement, un individu qui travaille informellement peut cumuler des minimas sociaux (RSA, allocations logement) et son revenu caché, ce qui lui fait un total souvent supérieur à ce qu’il aurait en acceptant un emploi formel au SMIC (où certaines aides chuteraient). Pour casser cette trappe à l’informalité, on pourrait imaginer des dispositifs type “revenu cumulable” durant la phase de formalisation : l’individu qui légalise son activité continuerait de percevoir une partie de ses aides temporairement, ou bien bénéficierait d’une prime à la formalisation. Cela rejoint les réflexions sur le revenu universel d’activité ou la prime d’activité renforcée. Le but est de neutraliser la peur de perdre au change en sortant du noir.
  • Renforcement de l’application de la loi dans les cas extrêmes : En parallèle de l’accompagnement, il ne faut pas négliger la nécessité de contenir les formes d’informalité les plus nocives ou criminelles. Le trafic de drogues ou la contrebande organisée, qui parfois se mêlent à l’économie informelle, doivent être combattus fermement via les outils classiques (police, douanes). De même, les situations d’exploitation (par exemple, travail dissimulé de sans-papiers dans des ateliers clandestins) relèvent de la lutte contre la fraude et doivent être traitées de façon coercitive. La justice sociale exige de ne pas laisser prospérer un sous-prolétariat invisible soumis à des abus. L’Inspection du travail devrait être dotée de moyens pour intervenir même dans les secteurs atypiques, en articulant son action avec les acteurs locaux (syndicats, associations) pour détecter les violations graves des droits. Par ailleurs, des opérations ponctuelles de contrôle sur les marchés ou les chantiers permettent de rappeler l’existence de la loi. Cependant, il convient de calibrer ces actions pour qu’elles ne soient pas perçues comme une guerre contre les pauvres – d’où l’importance de communiquer sur le fait qu’on cible prioritairement les employeurs indélicats et non les travailleurs précaires. En clair, réprimer l’informel “subi” le moins possible, réprimer l’informel “choisi” par profit quand c’est au détriment d’autrui.

En mobilisant l’ensemble de ces leviers de manière cohérente, les pouvoirs publics peuvent espérer faire évoluer graduellement l’économie informelle de La Réunion. L’ambition ne sera pas de l’éradiquer à court terme (utopie dangereuse) mais de la métamorphoser : réduire sa part en offrant de vraies portes d’entrée dans l’économie formelle, et parallèlement améliorer les conditions à la base (éducation, emplois publics, investissements) pour diminuer le besoin de s’en remettre au système D. Une coordination entre l’État (préfecture, DIECCTE), la Région, les communes et les acteurs socio-économiques sera indispensable pour agir sur tous les fronts (réglementaire, social, éducatif, économique). La démarche doit être participative, en impliquant les premiers concernés – ces travailleurs de l’informel – pour bâtir la confiance et concevoir des solutions adaptées à leurs réalités.

Conclusion et préconisations

Faut-il reconnaître l’économie informelle réunionnaise comme un amortisseur social ou la contenir au nom du développement structuré ? À l’issue de cette analyse, il apparaît que cette alternative est en partie factice : l’économie informelle est déjà un amortisseur social de fait – on ne peut le nier sans risquer de fragiliser des milliers de ménages – mais elle ne saurait constituer un modèle de développement soutenable à long terme. La véritable question est donc comment passer d’un équilibre de survie informel à un équilibre de progrès formel, sans casser pour autant le rôle tampon que joue l’informel dans l’immédiat.

En ce sens, les pouvoirs publics à La Réunion devraient adopter une posture double, que l’on peut résumer ainsi : reconnaître pour mieux contenir, et contenir en reconnaissant. Reconnaître, c’est admettre l’informalité comme composante de l’économie locale, la mesurer, la visibiliser, dialoguer avec ses acteurs ; contenir, c’est empêcher ses effets délétères en la réduisant progressivement par l’intégration au système structuré.

Voici quatre préconisations concrètes qui découlent de nos observations :

  1. Instaurer un Observatoire local de l’économie informelle : Piloté par l’Insee, l’IEDOM et l’Université de La Réunion, en partenariat avec la DIECCTE, cet Observatoire aurait pour mission de mieux quantifier et qualifier l’informel sur l’île. Il pourrait publier tous les deux ans un rapport dédié, alimenté par des enquêtes de terrain, afin de suivre l’évolution du phénomène. Ceci permettrait d’éclairer les décisions publiques avec des données actualisées, et d’évaluer l’impact des mesures prises (ex : voit-on une baisse de l’informel dans tel secteur après telle politique ?). L’Observatoire servirait aussi de forum de discussion, incluant associations de quartier, syndicalistes, chercheurs, afin de garder le lien avec la réalité du terrain. En reconnaissant officiellement l’existence de ce pan d’activité, on lèverait un tabou et on montrerait que l’État ne « ferme pas les yeux » mais s’en préoccupe activement.
  2. Lancer un Plan Territorial de Transition vers la Formalité : Sur le modèle de certaines expériences latino-américaines, élaborer un plan d’action pluriannuel, concerté au niveau de la Région et de l’État, visant à faciliter la transition d’une partie de l’économie informelle vers l’économie formelle. Ce plan pourrait comprendre un ensemble de mesures coordonnées : incitations fiscales (exonérations temporaires), aides financières (prime à la première déclaration), renforcement du microcrédit et de l’accompagnement entrepreneurial, création de couveuses et coopératives d’activité, développement des chantiers d’insertion dans les secteurs où l’informel est fort (BTP, recyclage, agriculture vivrière)… Un axe important serait la communication : mener des campagnes d’information positives montrant les avantages de la formalisation (droit à la retraite, accès aux formations, etc.) et la fierté de devenir « entrepreneur déclaré ». Le plan pourrait cibler en priorité les jeunes de moins de 30 ans engagés dans l’informel, pour éviter qu’ils n’y restent coincés toute leur vie. Un objectif mesurable serait, par exemple, de réduire de X points la part estimée d’emplois informels en 5 ans, sans réduction du revenu moyen des ménages.
  3. Adapter les dispositifs sociaux pour ne pas pénaliser la sortie de l’informel : Concrètement, il s’agit de revoir certaines règles d’articulation entre minima sociaux et revenus d’activité, spécifiquement pour La Réunion (via une expérimentation territoriale par exemple). On pourrait tester un dispositif “RSA activité ultramarin” plus souple, qui permet à un travailleur sortant de l’informel de conserver une fraction de son RSA pendant les premiers mois de son activité déclarée. Par ailleurs, garantir un filet de sécurité continu : par exemple, créer un statut transitoire où l’ex-travailleur informel cotise à la sécurité sociale sans perdre l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) immédiatement. L’idée est qu’aucun ne renonce à se formaliser par crainte de perdre sa couverture santé ou ses allocations logement du jour au lendemain. Ces ajustements techniques demandent négociation avec l’État central, mais peuvent faire partie des spécificités ultramarines justifiées par la situation socio-économique. Au besoin, mobiliser les fonds européens (FSE) ou nationaux pour compenser le coût de ces mesures transitoires, en les présentant comme un investissement social dans la formalisation.
  4. Renforcer l’économie formelle locale pour absorber le vivier informel : Enfin, aucune politique sur l’informel ne réussira si l’économie formelle ne crée pas plus d’opportunités. Il faut donc simultanément poursuivre les efforts de développement structurel : soutien aux secteurs porteurs (économie verte, numérique, agro-transformation, tourisme durable…), politiques d’emploi volontaristes (formation professionnelle aux métiers recherchés, apprentissage comme alternative au travail précaire, etc.), et lutte contre la vie chère pour augmenter le pouvoir d’achat (ce qui réduira l’attrait des produits ou services informels meilleur marché). En d’autres termes, réduire l’offre de travail informel en diminuant la demande : si plus de Réunionnais trouvent un emploi stable et un salaire correct, ils seront moins tentés d’avoir recours à l’informel, que ce soit comme travailleur ou comme consommateur. Cette préconisation dépasse le seul cadre de l’informalité mais en est indissociable : l’économie informelle étant un miroir des faiblesses de l’économie formelle, seul le renforcement de cette dernière peut à terme résoudre le problème à la racine.

En conclusion, l’économie informelle à La Réunion n’est ni à glorifier ni à stigmatiser, mais à transformer intelligemment. La reconnaître, c’est faire preuve de réalisme et de considération pour ceux qui en vivent ; la contenir, c’est affirmer l’ambition d’une île où chacun pourrait, demain, gagner sa vie dignement dans le cadre de la loi et de la protection sociale. Entre ces deux impératifs, la puissance publique doit jouer un rôle d’équilibriste, en innovant, en écoutant le terrain et en gardant le cap d’un développement inclusif. La Réunion, qui a déjà relevé dans son histoire de nombreux défis de rattrapage, peut devenir un laboratoire de la transition de l’informel vers le formel. L’enjeu est de taille : il s’agit ni plus ni moins que d’intégrer pleinement dans la société économique visible cette « part d’ombre » qui, aujourd’hui, fait vivre une partie de l’île, afin que demain le succès de La Réunion se construise avec tous et pour tous, dans la légalité et la dignité.

Sources : Schéma Régional de Développement Économique, d’Innovation et d’Internationalisation (SRDEII) – Région Réunion; Rapport d’information du Sénat n°177 (2021) sur la crise COVID en outre-mer; Article Imaz Press Réunion, 18/06/2011, « Le travail clandestin est un amortisseur social »; Insee Réunion, études sur le travail informel (2008) et sur l’emploi (Flash 232, 2022); Rapport Nomadéis pour la CRESS Mayotte (2020); OIT, données et analyses sur l’économie informelle mondiale; OpenEdition, Études rurales 2014 sur pauvreté à La Réunion; OpenEdition, Revue Droit & sociétés 2019 sur l’emploi informel en Amérique latine, etc. Toutes ces sources convergent pour éclairer la réalité complexe de l’économie informelle réunionnaise et les pistes d’action exposées.